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FERTÎLES , L'ÉCOLE DE LA COOPÉRATION ET DE L'ENGAGEMENT

Cela fait maintenant un an que je voyage en Europe pour explorer l’art de faire communauté pour répondre aux enjeux de demain. Sur ma route, j’ai rencontré et vécu avec de nombreux collectifs : des moines de l’abbaye de Lérins, des exilées au sein du Refuge Solidaire, un peuple autochtone (les Samis) qui lutte pour préserver ses traditions ; et bien d’autres communautés toutes aussi différentes les unes que les autres.


Partout où je suis allé, il n’y a pas une seule fois où je n’ai pas observé des dynamiques de groupe qui venaient perturber l’objectif de la communauté. Que ce soit au travers de postures individuelles, des outils collaboratifs non appropriés ou un cadre mal posé, j’ai découvert petit à petit la finesse de la crête sur laquelle repose l’équilibre d’une communauté.


Il est tellement facile de tomber dans des dynamiques non-collaboratives qui viennent desservir la communauté. Vous savez, ces moments où vous ressentez tout le potentiel collectif d’un groupe sans pour autant réussir à le faire pleinement briller.


Toutes ces expériences m’ont convaincu d’une chose : “Coopérer demande un véritable savoir FAIRE et savoir ÊTRE”.


Pour autant, on ne m'a rarement appris à le faire (oupsi l’éducation nationale).


Heureusement, une école a décidé de prendre ce sujet à bras-le-corps.

Cette école s’appelle Fertîles. Depuis 2020, elle a formé plus de 1 000 personnes à des méthodes de coopération et d’engagement au travers de parcours immersifs transformants.


Alors pour clôturer mon exploration, je suis parti à la découverte de leur parcours de “Coopérations Fertiles” : Une expérience collective dans un lieu démonstrateur d’un monde nouveau pour apprendre à coopérer et à s’engager autrement.


Accompagné de 21 autres participant.e.s, j’ai vécu pendant 6 semaines une expérience transformante à bien des égards. J’ai pu creuser en profondeur ma propre posture de coopération. Mais surtout, j’y ai trouvé des outils et des concepts essentiels pour fluidifier la coopération au sein des communautés. Je vous partage dans cet article mes principaux apprentissages.

LES PILIERS DE LA COOPÉRATION : SÉCURITÉ, CONFIANCE, LÉGITIMITÉ


Dans leur livre “L’entraide, l’autre loi de la jungle”, Pablo Servigne et Gauthier Chapelle énumèrent 3 sentiments qui favorisent la collaboration d’un groupe : le sentiment de sécurité, de confiance et d'égalité.

Au sentiment d'égalité, Fertîles préfère celui de légitimité pour sortie de l'imaginaire d’horizontalité totale et d'une croyance que coopérer se fait forcément sans verticalité.

Ainsi, la sécurité, la confiance et la légitimité sont aussi essentiels que les 3 pieds d’un tabouret. Enlevez en un seul, et la coopération dans votre communauté peut s’effondrer.


C’est pourquoi, nous avons entièrement dédié la première semaine de formation à la création d’un espace inspirant ces 3 sentiments.


Par exemple :

  • Un espace de liberté a été mis en place afin de se sécuriser dans le groupe en nous référant à des règles communes. Vous pouvez y jeter un œil ici.

  • Des temps de partage en petits groupes ont permis de faire naître une confiance dans la communauté. Notez, qu’il est toujours plus facile de développer de la confiance en petit groupe (plus de temps de partage, espace plus intimiste, etc…) plutôt qu’en grand groupe. Cette confiance dans les petits cercles est contagieuse, elle se diffusera ensuite naturellement à l’ensemble du groupe (c’est ce qui vous permettra de faire confiance à certaines personnes du groupe sans même les connaître personnellement).

  • Nous avons aussi co-construit notre gouvernance partagée pour définir comment nous souhaitions nous organiser pendant ces 6 prochaines semaines : comment prendre des décisions, comment gérer la cuisine, le ménage, etc… Une manière pour chaque personne de trouver sa place dans le collectif et créer un sentiment de légitimité en se répartissant les différents rôles.


Ces espaces et ces outils ont permis de créer sereinement une culture de coopération dans le groupe. Ce n’est qu’une fois que celle-ci a été mise en place que nous avons commencé à la challenger au travers de certaines expériences.

Car oui, c’est en surmontant des expériences inconfortables que le groupe grandit, que la confiance dans le NOUS se fortifie.

Mais avant d’être capable de traverser ces tempêtes, il faut d’abord veiller à bien s’enraciner. Au risque de s’envoler ….


© Manon Leroy

CULTIVER LA RECONNAISSANCE


Ces 6 semaines de vie collective m’ont également convaincu d’une chose : “Le besoin de reconnaissance est universel”.


Et plus important encore, il est la source de nombreux conflits au sein des collectifs. Car ne pas se sentir reconnu dans un groupe, revient à ne pas se sentir pleinement accepté. C’est donc le début de la fragmentation du NOUS.


Selon Eric Berne, psychiatre américain et père de l’Analyse Transactionnelle, le besoin de reconnaissance fait d’ailleurs partie des 3 soifs de tout être humain (avec la soif de structure et de stimulation).


Cette soif de reconnaissance se divise en 2 types :

  • Une reconnaissance conditionnelle : être reconnu et apprécié pour ce que l’on fait. On valorise alors le FAIRE : “Merci pour ta présentation de qualité, c’est du bon travail”.

  • Une reconnaissance inconditionnelle : être reconnu et apprécié pour qui l’on est. On valorise alors l’ÊTRE : “Merci d’être une personne curieuse et déterminée”.


Ainsi, lorsque vous animez une communauté, il est important de créer des espaces permettant de valoriser vos membres tant pour ce qu’ils FONT que pour ce qu’ils SONT.


Mais n’oubliez jamais que nous les humains, nous sommes des êtres complexes. Nos besoins de reconnaissances ne s’expriment pas de la même façon (eh oui, la vie serait plus fade si nous étions toutes et tous pareil).


C’est ce que Gary Chapman appelle “les 5 langages de l’amour”. Dans son livre, il décrit les différentes formes d’expression affective que nous pouvons employer. Mieux les comprendre, permet donc de répondre aux besoins de reconnaissance de chacun.e. Pour les illustrer, j’ai ajouté quelques outils mis en place durant ce parcours Fertîles.

  • Les paroles valorisantes (en créant des espaces de feedbacks).

  • Le toucher physique (au travers d’ateliers sensoriels reposant sur l’expression corporelle ou simplement d’une main sur l’épaule).

  • Les services rendus (en apportant son aide dans la gestion d'un projet ou l'éxécution d'une tâche).

  • Les cadeaux (en offrant tout type d'attention matérielle ou immatérielle).

  • Les moments de qualité (en organisant des moments privilégiés comme des déjeuners en tête-à-tête).


Il faut donc savoir être polyglotte et adapter son langage en fonction des besoins de chacun de vos membres !

© Etienne Grimée

RENDRE VISIBLE CE QUI EST INVISIBLE


Cette phrase me suit depuis maintenant plus de 6 semaines. Elle est même devenue pour moi un véritable mantra : “Rendre VISIBLE ce qui est INVISIBLE”.


Elle m’inspire, car elle cristallise selon moi la plupart des freins au développement des communautés (et plus globalement au développement de nos relations).


Le modèle de l’iceberg en communication suggère que seulement 10 à 20 % de nos comportements sont conscientisés. Ce qui laisserait donc 80 à 90 % de comportements contrôlés de manière inconsciente (par nos peurs, nos postures réflexes, notre histoire, etc…).


Alors, même si ces chiffres sont pour moi très approximatifs, je suis d’accord sur un constat : ma relation aux autres, et donc ma manière de coopérer avec elles et eux, est influencée par de nombreux facteurs (dont j’ai conscience ou non).


Toute l’alchimie de la coopération repose donc sur notre capacité à :

  1. Conscientiser ces différents facteurs invisibles.

  2. Les partager ensuite au groupe.


Il faut voir ces structures invisibles comme notre propre notice d’utilisation. Cela me permet de mieux me comprendre et surtout de mieux me faire comprendre par les autres. Dans un groupe, cela permet donc d’éviter les projections et les interprétations et ainsi de fluidifier la coopération.


Comme le dit si bien Thomas d’Ansembourg, spécialiste de la communication non-violente : “Ce qui est dit à demi-mots n’est compris qu’à moitié”.


Toute la magie de ce parcours Fertîles réside pour moi dans sa capacité à avoir créé des espaces de confiance où nous avons pu conscientiser puis partager ces structures invisibles. En particulier :

  • Notre attirail social (mon genre, ma culture, mon histoire, l’éducation que j’ai reçue, etc…).

  • Nos intentions en expliquant ce que l’on recherche au sein de ce temps ou de cette relation.

  • Nos problématiques actuelles au travers d’outils de co-développement.

  • Nos émotions en utilisant des outils de CNV (Communication Non-Violente) ou en ouvrant des cercles relationnels (des espaces dédiés aux partages émotionnels).


Je dois vous l’avouer, partager ces structures invisibles demande une bonne dose de courage et d’authenticité. Cela ne se décrète pas du jour au lendemain. Mais en tant qu’animateur ou animatrice de communauté, vous avez le pouvoir de les faire émerger en cultivant un terreau de confiance et de sécurité pour vos membres.


© Etienne Grimée

CONCLUSION

Cette immersion m’a une nouvelle fois convaincu de l'inter-dépendance du JE et du NOUS dans une communauté. J'ai découvert qu'un projet collectif nourrissait simultanément 3 intentions :

  • L’intention du PROJET (la raison d’être du groupe) : Que voulons-nous ATTEINDRE ensemble ?

  • L’intention du NOUS : Qu’est-ce que NOUS souhaitons VIVRE en tant que groupe ?

  • L’intention du JE : Qu’est-ce que JE souhaite VIVRE au sein de ce projet ?


En prendre conscience permet d’ajuster sa posture et ses décisions.

Les partager aux autres permet de comprendre plus finement les dynamiques de groupe, de veiller à la convergence des intentions et surtout de les nourrir (en particulier les intentions du JE et du NOUS que l’on oublie trop souvent).


Pour ma part, l’intention que je me suis fixée au début de ce parcours était de “vivre une expérience collective transformante pour approfondir l’art de faire communauté”.


6 semaines plus tard, je peux dire que cette expérience fut un véritable voyage dans le monde de la coopération. Un voyage marqué par de magnifiques rencontres. Je souhaite donc remercier les 22 personnes qui m’ont accompagné dans ce parcours et qui n’ont cessé de me faire grandir. En particulier, mon “jardin”, ces 3 personnes avec qui j'ai pu commencer chaque journée en partageant "ma météo intérieure". Votre écoute et vos conseils m'ont porté tout au long de ces 6 semaines.


Enfin, merci Mathieu, Chloé, Solène et Raphaëlle (et plus globalement toute l’équipe Fertîles) d’incarner si fidèlement votre pédagogie. Vous m’avez permis de clôturer mon exploration de la plus belle des manières.

À vos côtés, j’ai pu cultiver un terreau fertile à l’émergence de mes nouveaux projets…

MES INSPIRATIONS

  • Cette vidéo de l’Université du Nous pour distinguer les différentes étapes de vie d’une communauté.

  • Les BDs de Art Mella m’ont fait comprendre que la coopération reposait sur notre capacité à identifier, comprendre et partager nos émotions. Je ne peux que vous les conseiller.

  • Si vous souhaitez creuser les outils de coopération et d’engagement, Fertîles les partage en CCbySA (disponible ici).

  • Et parce que la coopération se vit plutôt que s’apprend, voici leur plaquette de formations.

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