LES SCOUTS : UNE AVENTURE ÉDUCATIVE
“Scout un jour, scout toujours !”. Mais qui se cache réellement derrière le scoutisme ?
Cette question, je me la suis toujours posée. Car oui, les clichés sur les scouts ont la vie dure. Même si de nombreuses personnes de mon entourage ont fait (ou font encore) partie de ce mouvement, j’ai toujours gardé une image assez caricaturale du scoutisme. Je le voyais comme un mouvement “conservateur”, “sexiste” et “autoritaire”.
Pour autant, mes proches me disaient tout le contraire : “Pour moi, c’est la plus belle école de la vie”, “Je ne serai pas qui je suis sans les scouts”, “Les amitiés que j’ai liées là-bas sont si particulières, indescriptibles. Ce sont celles qui m’ont fait le plus grandir”.
Ces témoignages m’ont poussé à franchir le pas.
J’ai donc enfilé un foulard, pris mon sac sur le dos et je me suis mis dans la peau d’un chef scout. Pendant 17 jours, j’ai encadré 20 jeunes adolescents pour leur camp d’été. 17 jours qui m’ont permis de découvrir une pédagogie ouverte extrêmement inspirante. 17 jours, surtout, où j’ai pu rencontrer des jeunes qui incarnent mieux que personne les valeurs du scoutisme.
Avec ce camp, j’ai déconstruit mes préjugés. J’ai découvert un mouvement inclusif et auto-éducatif qui sait s’adapter à l’évolution de la société. Il fait pour moi partie des mouvements pédagogiques les plus inspirants dans le monde. Avec plus de 64 millions de scouts répartis dans 220 pays, ce mouvement a su se développer et s’adapter aux différentes générations depuis sa création en 1907.
En France, le scoutisme est composé de 8 organisations différentes. Parmi celles-ci, les Scouts et Guides de France représentent le mouvement majoritaire avec plus de 75% des effectifs. Leur histoire et leur pédagogie m’ont tout simplement émerveillé. J’ai l’impression d’avoir ouvert un véritable trésor dont je souhaite vous partager ici les pépites qui m’ont le plus inspiré.
UN ENGAGEMENT PROFOND
Avec les scouts, j’ai pris une très belle leçon d’engagement : un engagement qui part du JE pour nourrir le NOUS et inclure les AUTRES.
Cet engagement, il est au centre du scoutisme.
Car oui, être scout ce n’est pas simplement aller camper dans la nature et faire brûler des chamallows. Être scout, c’est s’engager à vivre selon la loi scoute. Une loi qui présente 10 qualités universelles comme “Parler en vérité et agir en cohérence”.
Lorsqu’un jeune rejoint le mouvement, il ou elle a la possibilité de s’engager envers cette loi scoute en faisant sa promesse. Puis chaque année, chaque jeune peut la renouveler afin de réaffirmer les raisons de son engagement.
Cette décision doit être prise en conscience après un réel travail d’introspection. Et je peux vous dire, qu’elle n’est pas prise à la légère. En effet, j’ai été particulièrement marqué par l’importance que les jeunes donnaient à cette décision. Pour ces adolescents de 14 à 17 ans, "faire sa promesse" ce n’est pas lâcher une parole en l’air. Comme me confiera Sidonie, une jeune rencontrée lors du camp, “La loi scout, c’est affirmer ce qui va nous faire grandir en tant que scout”.
Et à vrai dire, je crois que l’acte même de la promesse est l’une des sources du dévouement scout.
Par cette promesse, mais surtout par tout le processus qui l’entoure, les jeunes affirment aux yeux de tous les raisons de leur engagement.
Savoir “pourquoi on s’engage”, c’est donner du sens à l’aventure que l’on s’apprête à vivre. Et tout randonneur vous le dira, il n’y a rien de pire que marcher sans vraiment savoir “où on va” ni “pourquoi on y va”.
C’est pourquoi, l’engagement chez les scouts se fait à 3 niveaux :
S’engager envers SOI : “Pourquoi je m’engage dans cette communauté ?”, “Quelle est ma motivation personnelle ?”
S’engager envers les AUTRES : “Qu’est-ce que je suis prêt à offrir à la communauté ?”
S’engager envers DIEU (ou la société pour les non-croyants) : “Quel monde je souhaite incarner à travers mon engagement ?”
“Faire sa promesse” est un moment sacré, l’un des moments les plus important du camp. Une cérémonie est organisée afin que chacun et chacune puisse s’engager aux yeux de toutes et tous.
Et ce moment restera longtemps gravé dans ma mémoire. Sur la terrasse du château du Puivert, ces jeunes vêtus de leur chemise et de leur foulard, ont exprimé avec sincérité et émotions ce que signifiait pour eux “être scout”.
APPRENDRE PAR LE JEU
Avec les scouts, j’ai également découvert l’importance du jeu dans le processus d’apprentissage.
Dès 1907, le fondateur du scoutisme Baden-Powell a voulu ancré sa méthode éducative au travers d’un imaginaire. Son objectif : faire vivre une aventure aux jeunes pour développer leur civisme. Il s’est donc inspiré du Livre de la Jungle de Rudyard Kipling afin de façonner tout un imaginaire d’exploration. Lorsque les jeunes enfilent leur chemise et leur foulard, ils et elles vivent une réelle aventure collective qui donne vie à tout un vocabulaire. Par exemple, la tranche des 14-17 ans sont des “pionniers-caravelles” qui se rassemblent en “caravane” pour vivre un “cap”.
Lors des camps, les chefs et cheftaines sont également invitées à créer leur propre imaginaire afin de faire vivre aux jeunes une aventure à part entière. C’est ainsi, que pendant 17 jours, je me suis retrouvé à incarner le personnage Terre au sein d’une grande histoire qui mêlait les 4 éléments. Une histoire, où les jeunes devaient réussir à réunifier ces fameux 4 éléments afin de lutter contre le dérèglement climatique. Une belle manière d’aborder les enjeux écologiques de manière légère et ludique.
Mais je l’avoue, au départ j’ai été moi-même un peu sceptique. Est-ce que des ados vont se prendre à un tel jeu ? Vont-ils être prêt à nous suivre dans un monde fictif (qu’on assimile souvent à des mondes “enfantins”) ?
Et bien, mes appréhensions n’ont duré que quelques secondes. Leur engouement dépassa mes espérances ! Les jeunes étaient toujours partantes et partants pour entrer dans ces grands jeux qui donnaient vie au “monde des 4 éléments”.
Et au travers de cette expérience, j’ai compris l’importance de créer des mondes fictifs pour développer certaines de nos capacités. En sortant un peu du réel, nous nous détachons des normes sociales et du regard des autres. On a la possibilité d’être quelqu’un d’autre ou quelqu’un que l’on n’ose pas être dans “la vraie vie”. C’est donc une formidable opportunité de développer des nouveaux talents ou des nouvelles postures.
Par exemple, j’ai remarqué que certains jeunes prenaient une posture de leader uniquement pendant les jeux. Comme si ce cadre imaginaire les libérait d’un poids qui les empêchait de développer certains de leurs talents. Entre la vie de camp et les grands jeux, c’était tout simplement le jour et la nuit.
Alors après de tels résultats, je n’ai qu’une seule idée en tête : Amener des adultes dans ces mondes fictifs afin de développer leurs talents.
UNE COMMUNAUTÉ N’EST FORMÉE QUE DE SOUS-COMMUNAUTÉS
Cela fait maintenant plus de 8 mois que je voyage en Europe et au travers de cette exploration sur les communautés apprenantes, j’ai la chance de découvrir une diversité de collectifs. Et qu’importe leur taille ou leur culture, s’il y a bien une observation commune que je retiens, c’est qu’un “groupe est toujours formé de plusieurs plus petits groupes”.
Rassemblez 100 personnes entre elles, il y aura toujours des groupes de 20-30 personnes qui se formeront. Et au sein de ces groupes, il y aura des sous-groupes de 5-10 personnes. Et au sein de ces sous-groupes, vous observerez aussi des binômes se former.
En bref, votre communauté n’est formée que de sous-communautés. Et comme pour tout collectif, ces sous-communautés doivent être cultivées pour les faire prospérer.
En cela, l’organisation d’une caravane (le regroupement du vingtaine de jeunes d’une même tranche d’âge) est extrêmement inspirante. La vie de camp est coordonnée afin que chaque jeune puisse vivre des temps au sein de différents sous-groupes. Et pour éviter que le collectif ne se divise en plusieurs clans, ces sous-groupes favoriseront la mixité (entre les âges et entre les sexes).
Concrètement, chaque jeune appartient :
À la caravane entière (une vingtaine jeunes de 14 à 17 ans).
À son équipe d’âge (l’équipe qui l’accompagne depuis le début de son aventure scout).
À son équipe de tente (4 à 5 personnes de même sexe, mais d’âges différents avec qui il partagera sa tente).
À son équipe de service (4 à 5 personnes de sexe et d’âges différents avec qu’il effectuera ses services : vaisselle, cuisine, etc…)
À un buddy (un binôme auquel il doit prendre soin).
À un parrain ou une marraine (un jeune d’une ou deux années supérieures qui le guide dans son scoutisme).
En créant ces espaces, chaque jeune peut créer des liens avec des membres de la caravane. Notamment avec certaines personnes auxquelles il ne se sentait pas particulièrement proche.
Mais pour qu’ils fonctionnent, ces espaces doivent aussi être protégés.
Comme il est toujours plus facile de rester avec les personnes qui nous ressemblent, nous avons la fâcheuse tendance à vouloir nous regrouper et ne pas respecter les frontières de ces sous-groupes que l’on peut appeler “membrane”.
En effet, comme chaque être vivant est composé de multiples cellules, votre communauté a les siennes. Veiller à son bien-être, c’est veiller que la membrane de chaque cellule (vos sous-groupes) soit bien respectée.
CONCLUSION
Le scoutisme fait sans aucun doute partie d’une de mes découvertes pédagogiques les plus complètes et les plus inspirantes.
En accompagnant ces 20 jeunes de 14 à 17 ans, j’ai petit à petit compris tout ce que pouvait représenter ce fameux foulard scout. Voir ces jeunes incarner de telles valeurs dans leur quotidien m’a donné beaucoup d’espoir.
Entouré de 3 autres chefs et cheftaines à la posture exemplaire, j’ai écouté de nouveau mon enfant intérieur pour incarner ce nouveau rôle. Sans le savoir, j’ai suivi la vision du Père Sevin, fondateur du scoutisme en France : “Apprendre aux hommes à redevenir des enfants pour apprendre aux enfants à devenir des hommes”. (On lui pardonnera le manque d'inclusivité, nous étions aux XX° siècle et le scoutisme n'était pas encore mixte).
Mais en 17 jours de camp, je n’ai pu que toucher du doigt l’ensemble du travail éducatif réalisé par ce mouvement international.
Je sens que j’ai encore beaucoup de choses à y découvrir.
C’est pourquoi j’ai la ferme intention de continuer à me plonger dans leur pédagogie. Une pédagogie fondée sur le jeu et la vie dans la nature. Une pédagogie qui s’adapte aux enjeux contemporains. Une pédagogie enfin qui veut s’ouvrir à une diversité de public.
Mais les Scouts et Guides de France m’inspire aussi par leur structuration et leur gouvernance. Ce mouvement de plus de 100 ans a du traverser de nombreuses épreuves avant d’être le mouvement éducatif qu’il est aujourd’hui. Leur capacité à s’adapter aux évolutions du monde et à se remettre en question peut selon moi inspirer de nombreuses initiatives écologiques et sociales.
MES INSPIRATIONS
Ce joli texte de Jean-Marie Petitclerc sur la notion d’engagement que nous avons donné aux jeunes lors de leur phase de réflexion sur le renouvellement de leur promesse.
Le livre L’aventure par Nature - 100 ans des Scoutes et Guides de France m’a permis de comprendre en profondeur l’identité du scoutisme en retraçant ces 100 années d’histoire.
Le fameux GPS - Guide pour le Scoutisme m’a suivi durant tout le camp afin d’appréhender au mieux la pédagogie scout.